Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2011
Les mêmes maux … et toujours les mêmes remèdes !

Texte publié le 24 novembre 2010.

Le déficit du régime général de la sécurité sociale atteindrait 28.6 milliards d’euros en 2011 (hors mesures nouvelles du PLFSS – coupes de 7 milliards d’€ -) contre 10.2 en 2008, et ce après 23.2 milliards prévus pour 2010, soit donc plus du double du déficit atteint en 2008.
Une situation en partie due aux effets de la crise systémique du capitalisme de 2008 qui a conduit à une crise sociale incluant la montée du chômage, la précarité, la baisse du pouvoir d’achat, et le recul de la protection sociale dans tous les pays. Notre pays n’a pas été épargné ; en témoignent d’ailleurs la chute de la progression du PIB, le niveau du déficit public et de la dette, le nombre de chômeurs supplémentaires etc.

Si le déficit de la sécurité sociale s’annonce moins élevé qu’initialement prévu pour 2010 « en raison de l’évolution plus favorable qu’anticipé de l’emploi et de la masse salariale », le gouvernement n’en tire pas pour autant les conclusions, qu’il faudrait appuyer le financement de la protection sociale sur le développement économique, sur les salaires et sur l’emploi. Au contraire, il retarde une réforme qui d’ailleurs n’en prendra pas le chemin, et où il n’est pas question de toucher aux profits financiers.

Le PLFSS 2011 titre, dans sa présentation générale : « Un effort sans précédent en faveur du redressement des finances sociales ».

Une façon de tenter d’éviter d’affronter à nouveau les salariés et les citoyens à propos de la réduction du déficit de l’assurance maladie …au moment ou il s’oppose aux grévistes et manifestants, à l’opinion publique sur sa réforme des retraites ….

N’en déplaise à ceux qui regrettent que le déficit de la Sécurité sociale soit encore à 21 milliards d’euros l’année prochaine, et qui estiment que les 7 milliards de réduction pour 2011 ne sont pas suffisants.

Certes, le combat que nous menons contre la réforme des retraites contraint le gouvernement à afficher une certaine prudence. Pour autant, la réforme annoncée de la dépendance est en route, et celle de la branche maladie - qui représente la moitié du déséquilibre de la sécu - est d’ores et déjà ciblée, comme la prochaine après les élections présidentielles.

Mais déjà les mesures contenues dans la PLFSS 2011 poursuivent la sape du régime obligatoire.

En 2011, le gouvernement se contente peut être de « mesures de correction à dose homéopathique », comme l’écrit sans vergogne une certaine presse, il n’en demeure pas moins que celles-ci continuent à démanteler pas à pas les acquis en renforçant le désengagement de l’assurance maladie obligatoire et le transfert vers les ménages de la prise en charge des soins courants. Le projet de loi affirme vouloir « recentrer progressivement l’assurance-maladie sur le financement des dépenses considérées comme les plus utiles prévues en 2011 » La stratégie du gouvernement est de distiller l’idée que des médicaments , des soins, seraient inutiles. Il sème ainsi le doute sur l’efficacité de certaines dépenses médicales, pour mieux remettre en cause les principes solidaires de base .

L’exposé du PLFSS 2011 et les mesures prises visent essentiellement les dépenses de santé, et bien évidemment, aux mêmes maux les mêmes remèdes, à chercher des économies de ce côté et principalement sur le dos des assurés en taxant les malades.

Nous continuons à penser à l’UGFF CGT qu’il faudrait plutôt porter la réflexion sur le manque à gagner du côté des recettes assises sur la masse salariale c’est-à-dire s’attaquer aux réductions des dites « charges salariales », aux modalités d’assiettes de cotisations, à la désindustrialisation, aux politiques d’emplois et salariales, et in fine, parce que c’est incontournable, à la financiarisation de l’économie.

2,4 milliards d’économies sur les dépenses maladie

Le gouvernement, sous la pression des luttes et de l’opinion publique reporte la réforme de l’assurance maladie et renonce à augmenter de 0.5 point le ticket modérateur restant à la charge des patients, pour les soins médicaux. Il n’en demeure pas moins qu’avec l’objectif de ramener le taux d’évolution de l’Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM) à 2.9% en 2011(1) et 2.8% en 2012, ce sont 2.4 milliards d’euros, d’économie attendus, chaque année, sur les dépenses d’assurance maladie, par une maîtrise des dépenses des soins de ville (économie sur les médicaments et les dispositifs médicaux, lutte contre les « dépenses injustifiées », ciblage des thérapies et médicaments « efficaces ») et un renforcement des « gains d’efficience » des établissements de santé.

Pour y parvenir, le PLFSS prévoit notamment les mesures suivantes :
 Une diminution du taux de remboursement des médicaments dont « le service médical est désormais considéré comme modéré », c’est à dire ceux à vignette bleue, qui va passer de 35% à 30%. Il s’agit par exemples du Spafon ou du Smecta…Déjà en 2010, les déremboursements de 171 médicaments avaient été décrétés par la haute autorité de santé, au motif d’un « service médical insuffisant ». Ils touchaient pourtant des traitements courants comme le déficit cognitif des personnes âgées, les problèmes veineux etc…
 une hausse du ticket modérateur sur les actes coûteux, en ville ou à l’hôpital. L’assuré payait 20% des frais sur les soins jusqu’à 90 euros, au delà il payait un forfait de 18 euros. Demain il paiera 20% jusqu’à 120 euros, et le forfait de 18 euros s’appliquera désormais à partir de ce nouveau seuil.
 la fin de la prise en charge systématique des dépenses de transport pour les patients en ALD (affections de longue durée)
 l’instauration d’un forfait de remboursement pour les dispositifs d’auto contrôle du diabète pour les patients non insulinodépendants,
 la baisse des tarifs des radiologues et des biologistes. Par contre, le tarif des médecins de ville va augmenter de 1euro (23€), mais le gouvernement entend continuer à les inciter à respecter les « bonnes pratiques ».
 Les hôpitaux sont aussi mis à contribution et le gouvernement compte sur les contrats de performance hospitalière - et localement les ARS - pour atteindre ces objectifs de baisse des dépenses de santé à travers la tarification à l’activité, la baisse des tarifs des professions de santé etc…

Ce sont autant d’attaques contre le porte-monnaie des assurés , contre leur santé, au risque d’aggraver encore le renoncement aux soins pour des raisons financières, qui touche déjà 9 millions de personnes, (ce chiffre a progressé de 20% en quelques années).

Il faut savoir par exemple que 19% des étudiants affirment aujourd’hui renoncer à des soins et le pourcentage d’étudiants ayant consulté un professionnel de santé au cours des six derniers mois est passé de 83.6% en 2007 à 80.5% en 2009 . C’est franchement insupportable.

(1)la croissance des dépenses d’assurance maladie était supérieure à 5% par an au début des années 2000, elle est passée à 4.2% en 2007, 3.5% en 2008 et 2009, et 3% en 2010)

La face cachée du PLFSS

Le gouvernement n’avance peut être pas aussi vite qu’il le voudrait pour réduire les dépenses d’assurances sociales, mais il progresse très vite, et sans réels débats publics, pour organiser une place grandissante des complémentaires dans la prise en charge des dépenses de santé.

Le taux de la couverture de base a reculé de 80% à 75.5% (la France est au 12è rang des pays de l’OCDE) et la part des dépenses remboursées par les assurances complémentaires santé (mutuelles, assurances et institutions de prévoyance) était en 2008 de 13.7%, le reste à charge des ménages est donc de plus de 10%. Et cela va encore s’aggraver, avec les 330 millions d’euros de charges qui vont être transférés vers les complémentaires en 2011.

Et c’est cela l’enjeu politique de ce PLFSS : désengagement du régime obligatoire et transfert sur l’assurance. Pour l’UGFF CGT, il faut y mettre un terme car il atteint des limites.
Depuis la révision du code de la mutualité – adoptée en application d’une directive européenne - les mutuelles sont soumises aux mêmes règles de gestion que les assurances privées(2). Pour autant, elles demeurent des sociétés à but non lucratif au contraire des assurances qui ont les mêmes charges mais font de larges marges.

La sécurité sociale qui relève de l’obligatoire, n’a pas autant de frais.

C’est pourquoi le transfert sur les complémentaires du reste à charge est source d’une réduction du taux de redistribution des sommes collectées par les complémentaires. Une enquête de source DREES et ACAM menée par l’UFC que Choisir met en évidence qu’en 7 ans, entre 2001 et 2008, les cotisations aux mutuelles augmentent de 44%, les remboursements ne progressent que de 27%(3).

Par ailleurs toutes les cotisations des complémentaires, et notamment les individuelles, ne sont pas proportionnelles aux revenus, en particulier chez les assurances.

Si on ajoute à cela, que le transfert vers les complémentaires, c’est avant tout l’organisation d’un transfert vers les seuls salariés, épargnant une part des richesses créées toujours plus importantes qui va abonder les profits

Ce sont donc bien toutes les données de la redistribution sociale qui sont profondément modifiées. La lutte pour sauvegarder et développer notre régime obligatoire prend donc bien tout sons sens.

Les inégalités se creusent

L’inégalité ne se situe plus seulement aujourd’hui entre les 93% d’assurés qui ont pu souscrire une complémentaire et les 7% restant. Car parmi ceux qui ont souscrit une complémentaire - y compris lorsqu’ils ont fait le choix d’une couverture mutualiste - ce transfert de dépenses sur les soins courants signifie pour eux de faire, dans l’offre contractuelle, le choix entre une augmentation des cotisations ou une réduction des garanties.

Déjà nombre de complémentaires ont annoncées qu’elles ne supporteraient pas seules le coût du plan,et s’apprêtent à répercuter, à nouveau, ces nouvelles charges sur leurs tarifs.

« Efficacité ? » ; « Utilité ? » ; … mais où sont l’égalité et la solidarité ?

Parmi les complémentaires, les sociétés mutualistes sont particulièrement secouées, les débats y sont intenses et certaines prises de position sont surprenantes. Certaines en arrivent à des « dérives assurantielles classiques » en prenant des orientations qui font « froid dans le dos » car elles bousculent les grands principes de la solidarité.

Certaines souhaitent désormais couvrir uniquement les médicaments prescrits « en fonction de leur efficacité et non plus du barème de la sécurité sociale ». Et la commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) vient en effet d’autoriser les mutuelles « qui ne veulent plus rembourser à l’aveugle » à prendre connaissance des informations sur l’utilité médicale des produits qu’elles doivent rembourser. Il est tout de même étonnant pour l’UGFF CGT, d’entendre des mutuelles reprendre à leur compte aujourd’hui des raisonnements qu’elles critiquaient hier. Car c’est bien ceux-ci qui ont conduit à la décote de 150 médicaments remboursés seulement à 15% (vignettes orange) en 2010, et qui engagent la baisse des remboursements des vignettes bleues en 2011.

D’autres au contraire planchant sur « les atouts des mutuelles pour se différencier », estiment que la solidarité se heurte à l’air du temps et regrettent que « la société ne raisonne plus sur le long terme, d’où en particulier une difficulté de promouvoir la solidarité intergénérationnelle ». Elles recherchent des solutions pour éviter qu’avec la labellisation des organismes complémentaires (dans la FPT par ex) des opérateurs puissent proposer des cotisations à faible coût mais en pratiquant la sélection des risques, aux dépens des retraités par exemple. Pour l’UGFF CGT cela renforce notre détermination à participer aux débats qui animent le mouvement mutualiste aujourd’hui.

La santé, l’égalité aux soins …c’est bien de cela qu’il est question à travers ce nouveau plan d’économies.

Si le choix de l’assuré ne devient plus que celui d’accepter une réduction de son pouvoir d’achat par le biais de l’augmentation de la cotisation, pour être correctement garanti ;

Si demain l’offre mutualiste, en complémentaire santé, évolue vers un contrat qui ne rembourse que les médicaments « à utilité élevée », ou vers des contrats avec des garanties à la carte suivant les revenus des assurés,
alors la rupture avec les grands principes du mouvement mutualiste serait en marche.

Le gouvernement est bien en train d’accroître le caractère inégalitaire du système… en visant à réduire la dépense au détriment du niveau de vie et de la santé des assurés. Et ce sont encore les revenus les plus modestes qui en seront les plus victimes. Il faut y mettre un terme.

(2) en prévoyance par exemple, lorsque les mutuelles garantissent un agent pour une incapacité par exemple l’invalidité, elles doivent désormais obligatoirement constituer des réserves, calculées à partir de l’age de l’assuré jusqu’à la date présumée de son invalidé .
(3) source UFC QUE CHOISIR d’après DREES et ACM

La CGT milite pour d’autres solutions

La baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée (graphique ci-contre) représente pour les salariés un manque à gagner de 200 milliards d’euros par an par rapport au début des années 80.

Pour la CGT, l’emploi est aussi une source primordiale dans le financement de la protection sociale. 1 million de chômeurs en moins, c’est environ 5 milliards d’euros par an pour les caisses de la sécurité sociale.

De même, plusieurs éléments de rémunération échappent actuellement à toute cotisation sociale (participation, intéressement, bonus, stock-options...). Il sont évalués par la Cour des comptes à 120 milliards d’euros. Les soumettre à cotisations rapporterait environ 10 milliards d’euros par an. La CGT revendique par ailleurs la taxation des revenus financiers.

Autre source de financement possible, la suppression des allégements de cotisations sociales dont bénéficient d’abord les entreprises et qui n’ont jamais démontré leur efficacité économique ou sociale. Elle rapporterait, d’après la Cour des comptes, entre 67 et 73 milliards d’euros chaque année. La CGT propose, par ailleurs, de compléter ces mesures par une réforme des cotisations patronales qui pourraient êtres modulées en fonction, notamment, des politiques d’emploi des entreprises.
Etc.