Durban, résultats et analyse : La CGT, avec le syndicalisme mondial, n’abdiquera pas !

Texte publié le 21 décembre 2011.

16 décembre 2011 in Evènement | by genested

Les États ont négocié pour sauver la Face, Ils ont abandonné les Hommes et la Planète Face aux réalités et à l’urgence.

Achevée avec une prolongation de 30 heures comme image d’une volonté inébranlable de sauver la planète confrontée au changement climatique, la Conférence de Durban dispose en fait d’un résultat insignifiant et dont la perspective peut même conduire à un recul important. Cette conclusion, pour une part théâtrale, cache très mal un immobilisme irresponsable.

L’absence totale de garanties de lutte contre le réchauffement climatique via une économie alternative bas carbone, de transformation sociale et écologique ; l’absence criante de mesures sociales, permettant de s’engager dans une transition juste, sont malheureusement les vrais marqueurs de l’épisode Sud-Africain.

Le protocole de Kyoto est prolongé mais il ne subsiste que l’Europe, à l’unité bien fragile de ses États, à s’y engager soit 11 % des émissions mondiales de gaz à effets de serre.

Une négociation vers un nouvel accord global, entre les 194 pays de l’ONU, s’ouvre pour se finaliser en 2015. Ses conclusions, après ratification par les États, pourraient entrer en application en 2020. Ce serait là une grande victoire nous dit-on. Mais pour qui ? Et sur quelles bases objectives, dans la mesure où les dispositions contraignantes deviennent hypothétiques, laissant préjuger qu’en aval de l’éventuel accord, chacun pourra faire ce qu’il veut ? Et où est la réponse à l’urgence incontestable ? Il ne saurait non plus échapper que toute disposition concrète de financement est remise à plus tard, laissant le fonds vert sans solde. Les USA avec le Canada, la Russie et le Japon, grands responsables d’une issue sans grande surprise, ont même enfoncé un coin dans la démocratisation de la gouvernance de ce fonds décidée à Cancun (CA avec 50 % de pays en développement).

Pour la CGT, la Conférence de Durban affiche un très petit résultat. Il est même globalement en recul sur le socle qui, jusque là, existait et avait pu sortir consolidé à Cancun en ouvrant des perspectives. Une victoire diplomatique affichée n’est pas en soi une victoire pour le climat.

Durban devait mettre en œuvre les décisions de Cancun, il a décidé de les remettre soit à plus tard, soit carrément en cause. Les ambitions supplémentaires en sont d’autant plus absentes, fussent-elles démontrées indispensables par tout le corps scientifique et réclamées par tout le mouvement associatif et syndical. Une question de démocratie est bel et bien posée. Elle met en lumière la trop faible place d’acteur direct faite à la société civile représentative.

Les logiques capitalistes et libérales, les choix financiers à court terme, incompatibles avec la cause à traiter, restent la seule tasse de thé des États dominants. Ils y ajoutent des politiques d’austérité inefficaces pour l’économie et poison pour le climat et les travailleurs.

Les grands de ce monde préfèrent agir à l’OMC pour toujours plus de concurrence et de marché que de travailler avec l’OIT et les syndicats de salariés pour combattre le dumping social et environnemental, élever les conditions faites aux travailleurs du monde et concrétiser une solidarité nord/sud.

Ainsi n’est pas pris en compte un mandat à l’OIT pour engager un travail sur le contenu à mettre (socle de protection sociale, formation, sécurité sociale professionnelle, qualité de l’emploi, salaire….) à une transition juste et à l’emploi décent conquis dans le texte de Cancun.

Sur le social comme sur l’environnement, cette conférence apparaît comme celle du renoncement.

L’Europe et la France réussissent certes à afficher l’inverse, faisant valoir des ambitions qui tranchent avec les autres pays industrialisés ou émergents comme la Chine et l’Inde. Cette présentation est certes flatteuse mais le leadership revendiqué doit être fortement relativisé si l’on ajoute aux émissions de l’Europe ou de la France le solde carbone des produits industriels importés. C’est alors 45% en plus d’émissions dont elles sont responsables, des émissions supplémentaires essentiellement en en Asie et dans le transport !

C’est le bilan carbone des délocalisations des productions et de la désindustrialisation, sans compter que la gestion actuelle de la crise en France n’est en rien un modèle en matière de développement durable comme de démocratie, et encore moins un modèle de justice sociale.

Si l’Europe et la France viennent à saisir leur engagement isolé sur Kyoto pour mettre une pression supplémentaire sur les salaires au nom d’une compétitivité un peu plus déséquilibrée, les salariés seront légitimes à se soulever, la CGT sera avec eux. Cette manière de jouer le bon élève du climat en réalité contre le social est insolente.

Le gouvernement français et l’Europe restent avant tout les défenseurs de l’ordre économique établi. Quand le Président de la République affirme « ça commence à bien faire ces questions écologiques ! », on peut comprendre derrière ses appels à baisser le coût du travail, l’idée selon laquelle « ça commence à bien faire ces questions sociales ! ». La France et l’Europe ne font que pousser des mécanismes de marché et réduire les services publics, amenuisant les capacités de maitrise par la collectivité de l’enjeu posé et d’action efficace.

Le gouvernement français ne s’élève d’ailleurs pas contre la tenue de la prochaine conférence climat au Qatar, pays le plus émetteur de CO2 par habitant et un des plus opprimant envers les femmes, et les travailleurs pour lesquels le syndicalisme est interdit.

Cette décision est un très mauvais signe d’autant que l’Arabie Saoudite, autre pays qui freine les négociations climatiques, à l’origine, à Durban, d’une proposition de rédaction remettant en cause la mise en œuvre d’un contenu social à la transition juste et au travail décent, présiderait la rédaction du texte de fond sur la vision partagée à long terme ! Il y a là un double scandale, une provocation indigne de l’ONU et des Etats qui la composent. Le message n’est que trop clair !

La lutte contre le changement climatique ne devra son salut qu’aux mobilisations et interventions des peuples dont les salariés avec leur mouvement syndical. La manifestation imposante à Durban de la société civile, le 3 décembre 2011, qui a porté le lien indissociable des aspirations écologiques et sociales, est de bon augure. Elle ouvre la voie à des suites intéressantes.

La CGT, en lien avec le vécu réel des salariés, avec la CES et la CSI continuera à initier, impulser et participer à l’élargissement du rassemblement. L’appel unitaire réalisé avec les associations depuis Durban sonne, au vu des conclusions de la conférence, comme un socle qui doit lancer les suites de luttes unitaires plus fortes et influentes. En juin 2012, à Rio, va se tenir le Sommet de la Terre, il doit être l’occasion d’y mettre les Etats devant leurs contradictions et responsabilités.

La CGT, avec le syndicalisme mondial, n’abdiquera pas. Elle va continuer à exiger un accord global fait de mesures contraignantes, juridiquement opposables, assises sur une intégration des dimensions sociale et écologique, en faveur d’une transition juste vers une nouvelle économie pour dessiner un nouvel air. C’est le chemin vers un Développement Humain Durable

Montreuil, France,
le 15 décembre 2011