CR DE LA BILATERALE SUR LA RETRAITE DU 12 MAI 2010
CGT FONCTION PUBLIQUE/MINISTERE DE LA FONCTION PUBLIQUE

Texte publié le 26 mai 2010.

Ordre du jour :

1 Fin de la concertation sur les spécificités fonction publique :

 calcul sur les 6 mois
 taux de cotisation
 bonifications hors service actif

2 Pénibilité

Composition des délégations :
Fonction Publique : M. Samuel Barreault, directeur de cabinet du ministre de la fonction publique, M. Stéphane Bonnet, conseiller social pour les retraites au cabinet de la fonction Publique, M. Thomas Andrieu, directeur adjoint de la Dgafp, des représentants du bureau en charge des retraites à la Dgafp, du Service des Retraites de l’Etat, et de la Direction de la Sécurité sociale.
La CGT était représentée par Jean-Marc Canon, secrétaire général de l’UGFF, Sylvie Brunol pour la fédération de la Santé, Sandrine Mourey pour celle des Services Publics, Claude Quinquis pour les Postes et Télécommunications, Gilles Oberrieder pour l’UGFF et Jean-Louis Butour, qui participe à l’ensemble des délégations CGT, confédérale et fonction publique, pour le lien avec la confédération.

Les spécificités Fonction Publique
Les règles spécifiques de calcul :

a) La règle de calcul de la pension sur les 6 derniers mois :

La présentation du ministère :

Il insiste sur le fait que le calcul sur l’indice détenu sur les 6 derniers mois est une simple mesure technique prise en 1948, de façon à pouvoir facilement indexer l’évolution des retraites des fonctionnaires sur le point d’indice, et répercuter les refontes de grilles indiciaires sur la pension des retraités (la péréquation). Or l’indexation des pensions sur le point d’indice et la péréquation
n’existent plus, toutes les pensions étant indexées sur l’inflation.
Historiquement la retraite des fonctionnaires a été calculée sur les trois dernières années (1790-1853 puis 1924-1948) ou les six dernières années (1853-1924). Ces modes de calcul étaient tout aussi compatibles avec une fonction publique de carrière. Si on passe à deux trois ans il ne se passerait pas grand chose sur le niveau des pensions.
L’inconvénient du calcul sur les six derniers mois serait qu’il pousse les gouvernements à ne pas faire de refontes importantes des sommets de grilles, puisqu’à ces échelons un euro dépensé en salaire c’est deux euros dépensés en retraite. La conséquence en est une aggravation de l’écrasement des grilles (insuffisante amplitude entre l’échelon initial et l’échelon terminal d’un grade ou d’un corps).
Une évolution de la règle de calcul pourrait se faire en tenant compte du fait que les primes ne sont pas aujourd’hui intégrées au calcul de la retraite, sauf partiellement par l’intermédiaire de l’ERAFP (retraite additionnelle). Les cadres supérieurs ont des retraites inférieures à celles du privé.
D’ailleurs que pense la CGT d’une évolution du système de retraite des fonctionnaires comportant un régime de base et un véritable régime complémentaire ? Cela faciliterait le calcul de la pension des nombreux polypensionnés qui ont une partie de leur carrière dans le privé.
Une réflexion détaillée sur les modalités d’une transition en cas de changement de mode de calcul est nécessaire. Elle ne devrait pas toucher le « stock », un nouveau dispositif étant impossible pour le passé, mais le « flux », donc l’avenir.

Pour la CGT :

La CGT est attachée à la règle des 6 mois et elle considère que le calcul sur l’indice des 6 derniers mois est le plus cohérent avec une fonction publique de carrière. Elle conteste l’abandon de la répercussion des refontes des grilles indiciaires sur la pension des retraités et la revalorisation sur l’inflation.

Concernant les primes la CGT considère que c’est un vrai débat, c’est pourquoi elle propose que les indemnités complémentaires de traitement soient prises en compte pour le calcul de la retraite, et intégrées au salaire indiciaire et aux grilles de la fonction publique.
La CGT ne considère pas que le mode de calcul et l’intégration de tout ou partie des primes au calcul soient liés. Elle n’est pas dans une logique de « deal ». Elle exprime un très grand scepticisme sur l’hypothèse que les employeurs publics amélioreraient la gestion de fin de carrière des agents du fait d’un abandon des derniers 6 mois pour le calcul de la retraite.

Le calcul sur les 6 derniers mois donne les mêmes résultats que le calcul sur les 10 meilleures années dans le privé. C’est pourquoi elle demande l’abandon des 25 meilleures années dans le privé et le retour au calcul du « salaire annuel moyen » du privé sur les 10 meilleures années.
L’objectif d’un abandon du salaire de référence actuel serait simplement de baisser les pensions des fonctionnaires.

La CGT a remarqué l’hypothèse énoncée par le directeur de l’Etablissement de la retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP) devant le Sénat : faire de la retraite additionnelle une véritable retraite complémentaire sur l’ensemble de la rémunération, la retraite de base des fonctionnaires allant jusqu’au plafond actuel de la sécurité sociale (environ 2 SMIC), ce modèle pouvant être exporté dans le privé.
La CGT refuse totalement l’introduction d’une retraite complémentaire pour les fonctionnaires qui bénéficient d’un régime unifié. Les primes actuelles étant pour l’essentiel des compléments de salaires qui ont vocation à être intégrées au calcul de la pension et à une grille indiciaire rénovée, l’abandon de la référence au salaire indiciaire entraînera rapidement l’abandon de la fonction publique de carrière.
Une retraite complémentaire de ce type serait entièrement par capitalisation et par points, et pourrait
servir de modèle pour le privé. Cela est pour la CGT inacceptable. Le taux de rendement le l’ERAFP est aujourd’hui très faible, de 4%, quand celui des retraites complémentaires par répartition du privé est de 6 à 7%.

La CGT est prête à discuter de la carrière, puisqu’on a un système de carrière avec une amplitude insuffisante. La CGT est prête à regarder un allongement des durées de carrière signifiant une amélioration de leur amplitude. En dehors de telles mesures les affirmations du ministère restent des discours et la CGT réaffirme son hostilité à la remise en cause du calcul sur les 6 derniers mois.

b) Le taux de cotisation :

La présentation du ministère :

Comment expliquer aux salariés du privé que la cotisation salariale des fonctionnaires soient inférieurs à la leur (7,85% contre plus de 10%, retraite de base et complémentaire confondue) ? Les fonctionnaires « achètent » leur retraite moins cher que les salariés du privé.

Pour la CGT :

Les salariés « n’achètent » pas leur retraite. C’est un raisonnement totalement assurantiel, alors que nous sommes dans une retraite par répartition qui permet les solidarités.
Les différences sont le produit de l’histoire, en particulier du fait que la retraite des fonctionnaires d’Etat relève du budget général.
Avec une autre politique salariale et avec des mesures de réforme des retraites allant dans le bon sens la CGT n’a aucun a priori sur le pourcentage de la cotisation salariale des fonctionnaires.
Le vrai problème c’est le pouvoir d’achat des fonctionnaires, qui ont perdu 8% sur le point d’indice depuis 2000 et vont se voir imposer une politique d’austérité salariale avec l’annonce par le premier ministre du gel des dépenses publiques sur les trois prochaines années, et du gel en valeur des dépenses de l’Etat de 2011 à 2013.
Une hausse du taux de cotisation ne signifiant rien d’autre qu’une nouvelle perte sèche pour le pouvoir d’achat des fonctionnaires sera combattue par la CGT.

c) Les bonifications :

Devaient être abordées les bonifications pour service hors d’Europe, pour les professeurs de l’enseignement technique et pour service aérien et sous-marin.
Elles ont en fait été abordées sous un angle beaucoup plus général le matin par le directeur de cabinet du ministre du travail et de la fonction publique, M. Sébastien Proto. Sa question est là comme ailleurs comment justifier devant les salariés du privé que les fonctionnaires hors d’Europe bénéficient de bonifications sur leur retraite quand le privé n’en a pas, ou que les originaires des Dom-Tom en bénéficient et pas ceux du privé.
Cette réunion sur les sujets communs au public et au privé (droits
familiaux et conjugaux, minimums de retraite) réunissait les deux délégations CGT, confédérale et du public, et le cabinet du ministre.
Dans un débat bref et qui n’est pas allé au fond la CGT a d’abord insisté sur le fait que ces droits sont l’héritage de la façon dont les droits à retraite se sont construit dans les deux régimes de fonctionnaires (Code des pensions civiles et militaires et CNRACL). Il est impossible de simplement faire une comparaison public/privé destinée à supprimer des droits.
Pour la CGT il faut une approche globale, et ce aussi bien pour l’expatriation (montant des salaires, difficultés de l’expatriation,...) que pour les Dom-Tom, avec en particulier la question récurrente du différentiel très important de coût de la vie, alors que l’ ITR (Indemnité Temporaire de Retraite) a déjà été mise en extinction. Les difficultés pour les originaires de développer une véritable carrière sur place sont aussi à prendre en compte.
Les bonifications n’ont pas été abordées de nouveau lors de la réunion spécifique à la fonction publique faisant l’objet du présent compte-rendu.

La pénibilité :

Le ministère a transmis aux organisations syndicales un texte de 4 pages retraçant l’historique et un état des lieux de la question globale de la pénibilité et se terminant par des questions sur la définition de la pénibilité, la pertinence d’une approche public/privé et la méthode d’une approche commune.
La CGT a mis en place un groupe de travail fonction publique sur la pénibilité, ainsi qu’un groupe de travail confédéral, regroupant l’ensemble des fédérations, publiques, privées et relevant de régimes spéciaux.

La présentation du ministère :

Sans reprendre l’intégralité du texte de préparation, le ministère a insisté sur le fait que la fonction publique a une approche ancienne et incomplète de la pénibilité. Réfléchir à une actualisation du dispositif dans la fonction publique « vaut le coup ».
Le droit au départ anticipé dans le cadre du service actif se traduit par exemple par de nombreuses reprises d’activité professionnelle, par exemple pour les infirmières.
Plusieurs instruments existent pour compenser la pénibilité. Les bonifications, qui représentent une approche restrictive par rapport à l’ensemble du problème, des primes spécifiques, la possibilité de départ en retraite pour invalidité.
La question des indicateurs à prendre en compte se pose, l’espérance de vie étant un indicateur imparfait, puisque celle des agents en service actif est pour le ministère la même que celle de l’ensemble des retraités.
Le privé est au début d’un processus. Un projet d’accord sur la pénibilité dans le privé de 2008 a défini 3 catégories de pénibilité : contraintes physiques, environnement agressif et contraintes liées au rythme de travail.
Un traitement d’ensemble de la question de la pénibilité ne peut se faire à l’aune du dispositif de retraite.
Plusieurs questions se posent, celles des critères de pénibilité, des compensations, de la convergence public/privé et d’une approche par corps comme aujourd’hui ou pas.
Si une décision est prise d’intégrer la démarche du privé dans la fonction publique elle ne saurait être que progressive pour passer d’un système à un autre.

Pour la CGT :

La CGT s’est étonnée de la tonalité du texte transmis, qui aborde la pénibilité sans discriminer ce qui relève d’une amélioration des conditions de travail et ce qui relève d’une réparation au titre de la retraite, alors que le ministre Eric Woerth avait présenté les discussions comme devant porter sur la réparation au titre de la retraite.

La pénibilité est un sujet d’ensemble qui concerne tous les fonctionnaires et doit se traduire par d’importantes améliorations des conditions de travail.
Cependant il restera toujours des activités dont la pénibilité ne pourra être éliminée, et qui demandent réparation sur la retraite par un dispositif de retraite anticipé. Les impératifs de service publics sont particulièrement concernés, les policiers, les infirmières, les pompiers travaillent à toute heure du jour et de la nuit, les week-end et jours fériés compris. C’est cette question que nous voulons aborder.
La CGT n’a aucun problème avec les critères issu des négociations entre patronat et confédérations syndicales. L’ensemble des agents bénéficiant de départs anticipés au titre du « service actif » relèvent de ces critères. _ La CGT est tout à fait prête à travailler avec le ministère à partir de ces critères.
Le fondement juridique du service actif est l’occupation des « emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles ». Soit la dangerosité et la pénibilité, la dangerosité étant particulièrement liée aux impératifs de service public.

L’ensemble des données que nous possédons nous amènent à contester l’affirmation que l’espérance de vie des agents bénéficiant d’une retraite anticipée au titre du service actif est la même que celle des autres retraités. Une enquête ministérielle faite sur les agents des travaux publics de l’Equipement montrent que leur longévité est réduite d’au moins trois ans. Le document de la CNRACL transmis aux députés sur les infirmières dit explicitement que la CNRACL ne peut pas déterminer l’espérance de vie des infirmières. Les enquêtes générales ayant servi aux négociations publiques privées sur la pénibilité déterminent que le travail de nuit ou posté réduit l’espérance de vie de plusieurs années, quelle que soit la catégorie de salarié (8 à 10 ans pour le travail de nuit).

Les bonifications sont pour la CGT une des conditions devant permettre le départ effectif anticipé à 55 ans.
Les primes prises en compte pour le calcul de la retraite compensent la dangerosité et non la pénibilité, ce sont des primes de risques pour les policiers, le personnel pénitentiaire, les douaniers et les pompiers. Pour les aides-soignantes la prime prise en compte dans la retraite compense l’absence de reconnaissance de la qualification réelle, qui devrait relever de la catégorie B.
Le départ en retraite en invalidité ne concerne pas spécifiquement la pénibilité. Il s’adresse à tous les fonctionnaires. Si on supprime le départ anticipé on peut être certain que se produira une explosion du nombre de départs en invalidité.
Il en est de même pour l’amélioration des dispositions sur la santé au travail, qui sont importantes pour la CGT, qui a signé l’accord intersyndical sur la santé au travail dans la fonction publique. Cette démarche concerne l’amélioration des conditions de travail de l’ensemble des agents.

La CGT considère qu’il n’est pas nécessaire de bouleverser le système actuel de reconnaissance de la pénibilité dans la fonction publique, mais de l’améliorer. Elle reste attachée à une définition collective, statutaire et règlementaire de la pénibilité.
Certains corps sont intégralement placés en service actif (policiers, personnel pénitentiaire, agents des travaux publics de l’Equipement,...), en fonction des missions particulières de l’ensemble du corps. Mais ce n’est pas le cas de tous les corps, puisque pour ceux-ci les fonctions ouvrant droit à départ anticipé sont fixées par un décret leur donnant une définition statutaire et règlementaire (appartenance à la filière surveillance pour les douaniers, contact avec les malades pour les infirmières et aides-soignantes,...).
Pour la CGT le ministère de la Fonction publique dispose déjà des instruments lui permettant d’étendre la reconnaissance de la pénibilité à d’autres secteurs qu’actuellement, et de définir « statutairement et règlementairement » les fonctions ouvrant droit à réparation.

Le débat a mis en lumière une grande incompréhension entre la CGT et le ministère.
La Fonction publique s’est accrochée à une définition individuelle de la pénibilité totalement médicalisée. Seul un médecin pourrait définir l’aptitude à continuer à travailler. Ce qui par construction rendrait obsolète le système des départs anticipés, d’autant plus avec bonification.
La Fonction publique considère qu’une définition individuelle de la pénibilité ne permet pas de continuer à gérer le service actif en partant des corps mais qu’elle doit partir uniquement des fonctions occupées.
Sans nier l’importance des fonctions la CGT considère qu’une démarche collective implique d’accorder le service actif à des agents exerçant certaines fonctions car appartenant un corps défini.
Cela permettrait entre autres de donner le service actif aux adjoints administratifs assurant l’accueil de nuit dans les hôpitaux.

Les délégations se sont séparées sur ce désaccord.

La CGT a reçu le « document d’orientation sur la réforme des retraites » du gouvernement le 16 mai. La CGT fonction publique le transmettra aux syndicats et fédérations accompagné d’un document d’analyse.

La prochaine réunion de concertation prévue est la multilatérale réunissant l’ensemble des fédérations de la fonction publique et le ministère le 25 mai sur la gouvernance des retraites publiques.

Annexe pour les organisations et les adhérents de la CGT

Les 3 catégories et les 12 critères de la pénibilité : (projet d’accord 2008)

I- Contraintes physiques
1/ Manutention et port de charges lourdes
2/ Contraintes posturales et articulaires
3/ Vibrations
II- Environnement agressif
1/ Exposition à des produits toxiques ….(cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques)
2/ Exposition aux poussières et fumées
3/ Exposition à des températures extrêmes et aux intempéries
4/ Exposition aux bruits intenses
5/ Les rayonnements ionisants
_ III Contraintes liées aux rythmes de travail
1/ Travail de nuit
2/ Travail alterné, décalé :
Alterné figurant dans le décret n° 76/404 du 10 mai 1976 précisant la loi de 1975
Le travail posté en discontinu
Travail par relais en équipe alternante
3/ Longs déplacements fréquents
4/ Gestes répétitifs, travail de chaîne, cadences imposées »

Les revendications CGT fonction publique :

Pour les fonctionnaires, relevant du code des pensions civiles et militaires et de la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales, la CGT fonction publique revendique une amélioration des textes les régissant :

 une bonification de durée de cotisation d’un trimestre par an, soit un an pour 4 ans pour tous les agents en « service actif »
 la disparition de la limitation à 5 ans du nombre d’années de bonification maximum
 un départ anticipé à partir de 55 ans, avec le maintien des situations antérieures plus favorables (départ à 50 ans des policiers, …)
 le maintien du droit au départ anticipé même en cas de passage dans un corps dit « sédentaire »
 le maintien partiel du droit au départ anticipé si l’agent a moins de 15 ans de service actif (départ à 56, 57, 58 ou 59 ans en fonction du nombre d’années passées en service actif)
 l’ouverture du droit au service actif à l’ensemble des agents subissant des conséquences durables, identifiables et irréversibles sur la santé et l’espérance de vie sans incapacité du fait de la pénibilité du travail (travail de nuit, etc.)