Acte III : un acte de modernisation de l’action publique en Conseil des ministres

Texte publié le 11 avril 2013.

L’Acte III de la décentralisation prendra donc la forme de trois projets de lois, présentés en Conseil des ministres le 10 avril. Plus que de décentralisation, il s’agit d’ailleurs pour le gouvernement de modernisation de l’action publique, et de simplification de l’organisation des collectivités territoriales. Avec pour objectif affiché d’améliorer l’efficacité de l’action publique, qui sera ainsi moins coûteuse. Le premier projet de loi, qui porte sur les métropoles, sera présenté au Sénat le 27 mai.

Plutôt que d’éliminer des échelons dans le “millefeuille” territorial français, les 3 textes de décentralisation finalement présentés au Conseil des ministres le 10 avril par la ministre de la réforme de l’Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, proposent une série d’aménagements où régions et métropoles, considérées comme “des moteurs de croissance et de compétitivité” (leitmotiv des projets de loi), doivent gagner en prérogatives et en rayonnement.

Le premier projet de loi porte sur la « modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles ».
Le second concerne la « mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et [la] promotion de l’égalité des territoires ».
Le troisième se consacre au « développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale ».

Efficacité, croissance, coûts maîtrisés, plutôt que décentralisation - Selon Marylise Lebranchu, le premier texte sera examiné “le 27 mai au Sénat. L’objectif est d’aller “aussi loin et aussi vite que possible sur le premier texte, puis le second ; le président de la République souhaite qu’on aille jusqu’au 3e avant mars 2014. C’est un tour de force, je ne sais pas si on y réussira”, a-t-elle ajouté.

Le gouvernement affirme très clairement que ses textes ne visent pas à un acte 3 de la décentralisation, mais ont pour objectif de « renforcer l’efficacité de la puissance publique, qu’elle soit nationale ou locale, et à améliorer la qualité du service public, en s’appuyant sur les collectivités territoriales et en clarifiant l’exercice de leurs compétences ».

Partant du constat qu’un « sentiment de défiance s’est ainsi installé entre les citoyens et leurs élus, mais aussi entre les élus locaux et l’Etat », le gouvernement a construit sa réforme selon 4 principes :

la clarté entre l’Etat et les collectivités territoriales et entre les collectivités elles-mêmes dans l’exercice de leurs compétences respectives ;
la confiance, pour restaurer le dialogue entre les partenaires de l’actions publique ;
la cohérence, pour conforter la logique des blocs de compétences ;
la démocratie, pour favoriser un meilleur contrôle du citoyen en développant la participation et l’évaluation.

Sur le fond, ce découpage en trois textes, contesté, ne changent rien au contenu même des versions précédentes du projet de loi que La Gazette a publié. Les critiques parfois très virulentes, même d’élus de la majorité, ne s’éteindront donc pas.

D’ailleurs, l’Association des régions de France a la première réagi, réclamant “des améliorations” à la réforme. “La loi doit mieux conforter les régions sur l’emploi, le développement économique, l’innovation, l’accompagnement de la croissance des entreprises et la réindustrialisation des territoires en leur transférant le pilotage plein et entier de ces politiques publiques”, revendique l’ARF.

Certes, ajoute l’association, “la métropole doit être confortée comme un espace urbain de développement. Mais cela ne doit pas conduire à un émiettement des compétences sur les territoires ni à une concurrence entre territoires de proximité”.

L’association critique la création des Conférences territoriales de l’action publique (CPAT), qui doivent répartir entre collectivités les compétences non dévolues à l’une d’elles par la loi. Elle y voit “une nouvelle strate qui risque de complexifier l’organisation administrative et d’accroitre les tensions locales entre collectivités (…)”.
Les principales dispositions des projets de loi

Clause de compétence générale

Régions et départements retrouvent leur clause de compétence générale. Mais, « afin de préserver néanmoins la capacité d’intervenir à l’échelon le plus pertinent, les délégations de compétence mises en place dans le cadre de la loi du 16 décembre 2010 sont maintenues » et seront applicables dès la publication de la loi.

Conférences territoriales et Pacte de gouvernance territoriale

A l’échelon régional, les collectivités territoriales se coordonnent “librement” entre elles et avec l’Etat en signant un pacte de gouvernance territoriale mis au point dans le cadre de Conférences territoriales de l’action publique (CPAT). Ce pacte répartit entre les collectivités les compétences, lorsque celles-ci ne le sont pas par la loi.

Les collectivités qui ne signent pas le pacte ne peuvent plus bénéficier de financements croisés, et donc de subventions jusqu’à 80% du coût d’un projet.

Les CPAT « sont articulées en deux formations, l’une destinée au dialogue entre collectivités territoriales, présidée par le président du conseil régional, et l’autre consacrée aux échanges entre l’Etat et les collectivités territoriales, coprésidée par le préfet et le président du conseil régional ».

Collectivités chef de file

La région est consacrée chef de file en matière de développement économique et d’organisation des transports. Le département l’est pour l’action sociale, l’aménagement numérique, le tourisme, la solidarité des territoires, la commune obtient ce même rôle pour la qualité de l’air et les “transports propres”.

La région

Elle fixe les orientations stratégiques en matière d’aide aux entreprises et d’innovation et coordonne l’action de toutes les collectivités en direction des entreprises, devenant dans ce domaine un guichet unique. Avec les métropoles, elle est seule compétente pour accorder des aides à des entreprises en difficulté. Elle a la responsabilité de la gestion des fonds européens. La Région a compétence pour créer ou exploiter des infrastructures de transports ferrés non urbains.

Afin de rapprocher davantage emploi et formation, la région voit ses compétences renforcées en matière de formation professionnelle, elle gère seule les centres de formation d’apprentis et anime le service public de l’orientation professionnelle.

La métropole

Est prévue la transformation en métropole de toute communauté d’agglomération ou urbaine rassemblant plus de 400.000 habitants. Outre Paris, Lyon et Marseille, cela concerne Toulouse, Nice, Strasbourg (dénommée Eurométropole), Lille, Rennes, Nantes, Grenoble, Bordeaux, Rouen, Montpellier et Toulon.

Les métropoles sont dotées de compétences extrêmement larges qui leur sont transférées par l’Etat et les communes, ou même, par convention, par le département ou la région.

Les métropoles seront les garantes du Droit au logement opposable (DALO), l’Etat pourra leur déléguer l’attribution des aides à la pierre, l’hébergement d’urgence ou encore le logement étudiant.

Dans leur périmètre, les métropoles peuvent, dans le respect des prérogatives des régions, élaborer leurs propres régimes d’aides et octroyer des aides aux entreprises.

Paris, Lyon, Marseille

Création au 1er janvier 2016 d’une Métropole de Paris regroupant la capitale et les intercommunalités à fiscalité propre du coeur de l’agglomération avec des compétences élargies en matière de climat-énergie, d’urgence sociale mais aussi d’habitat afin de résorber le retard pris en matière de logements disponibles.

Création au 1er avril 2015 d’une collectivité à statut particulier, la Métropole de Lyon, reprenant sur son territoire les compétences auparavant exercées par le conseil général.

Création au 1er janvier 2015, par fusion des six groupements de communes existants, de La Métropole Aix-Provence-Marseille, qui exercera de plein droit l’ensemble des compétences des métropoles de droit commun, mais pourra en déléguer certaines à des conseils de territoire.

Les intercommunalités

En Ile-de-France, d’ici au 31 décembre 2015, les départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne devront obligatoirement être couverts d’intercommunalités à fiscalité propre formant chacune un ensemble d’au moins 300.000 habitants.

Jusqu’ici de la responsabilité des communes, l’élaboration de Plans locaux d’urbanisme (PLU) est confiée aux intercommunalités, de même que l’assainissement, la gestion des milieux aquatiques (lutte contre les inondations…), la création d’un office du tourisme, la gestion des aires d’accueil des gens du voyage, voire la politique de la Ville. Il s’agit de “supprimer les superpositions de politiques publiques”.