Déclaration de la CGT Fonction Publique
au CCFP du 10 juillet
présidé par le ministre M. DARMANIN

Texte publié le 11 juillet 2017.

Monsieur le Ministre,

C’est peu de dire que les 1ères annonces du 1er Ministre et de vous-même ne réjouissent que modérément la CGT, c’est une façon élégante et adoucie pour vous dire – mais est-ce une surprise ? – que nous y sommes profondément hostiles.

Une formule du 1er Ministre, à elle seule, concentre le cœur de notre désaccord : « Il y a une addiction française à la dépense publique dont il faut se désintoxiquer. »
Et, comme c’est de cette doxa libérale – qui ne détient pas un mandat clair des élections – que découlent les arguments fallacieux et préconisation austéritaires, la CGT, à titre d’exemple, veut rappeler un certains nombres d’éléments.

Lorsque monsieur le 1er Ministre affirme « qu’il faut stopper l’inflation de la masse salariale du secteur public », au mieux, il commet une erreur et, en tout cas, il profère une contre vérité.

En effet, sur les vingt dernières années, l’ensemble des salaires versés dans les administrations publiques a reculé d’un point dans les dépenses publiques.
Et lorsque, monsieur le Ministre, vous annoncez, sans la moindre concertation, la reprise du gel de la valeur du point d’indice pour 2017 et 2018, vous prenez la responsabilité d’aggraver une situation déjà bien détériorée.

Quelques illustrations – guère réjouissantes, il faut bien l’avouer – le soulignent amplement :
 Il y a vingt ans, un agent de catégorie C avait une amplitude de carrière théorique de 56%, c’est 43% aujourd’hui ;
 Il y a vingt ans, un cadre était recruté à 60% au-dessus du SMIC, c’est 21% aujourd’hui ;
 Aujourd’hui, un agent recruté dans la 1ère échelle de rémunération peut espérer – au bout de 9 ans – un gain mensuel net d’environ…vingt euros !

Oui, monsieur le Ministre, ce n’est pas parce que des affirmations sont avancées comme autant de sentences irréfutables qu’elles deviennent des vérités scientifiques.

Les antiennes sur le niveau de la dépense publique – qui handicaperaient notre économie – font partie de ces fausses évidences qui arrangent les visées de celles et ceux qui les mettent en avant.

 En 2012, le Danemark affichait des dépenses publiques à 59,4% de son PIB, davantage donc que la France, le chômage y était de 7%, contre une moyenne de 10,6% dans l’Union européenne (UE), et la croissance y était 4 fois supérieure à celle de l’UE.
- La même année, le Portugal avait des dépenses publiques à hauteur de 47,4% du PIB mais le chômage y était de 15,3% et la croissance de -1,4%, c’est-à-dire en récession.
 Pour lutter contre la crise, les Etats-Unis ont fait monter leur déficit public à 13% du PIB en 2009, 2010 et 2011 (plus du double de la France sur la même période) et leur taux de chômage a baissé de deux points.

Monsieur le Ministre, lors de votre discours du 6 juillet « aux Etats généraux des comptes de la nation » vous avez convoqué deux illustres prédécesseurs…

En effet, en pratiquant l’anaphore, c’est François Hollande qui était à vos côtés, en choisissant les mots de « la vérité » comme socle, c’est Lénine et sa vérité toujours révolutionnaire qui était des vôtres.

Permettez-moi au nom de la CGT de – modestement – me glisser dans vos pas.

La vérité, c’est que le Pacte de compétitivité et le CICE coûtent 40 milliards d’€ annuels aux finances publiques. Et, depuis leur mise en place, notre pays compte 500 000 chômeurs en plus ! Et vous ne les remettez pas en cause !

La vérité, c’est que lorsqu’on augmente les salaires des agents de la Fonction publique, ils payent davantage d’impôts, ils s’acquittent de cotisations sociales supplémentaires, ils consomment davantage et participent donc de la relance de l’économie.

La vérité, c’est que les entreprises du CAC 40 ont versé 46 milliards d’€ de dividendes à leurs actionnaires en 2016, 13% de plus qu’en 2015. Et dans le même temps, leurs investissements dans le développement et la recherche sont en baisse !

La vérité, en revanche, c’est que les administrations publiques participent à la création de richesses à hauteur de 20% du PIB et de 17% de l’investissement global.

La vérité, c’est que lorsqu’on transfère au secteur privé des missions publiques, le plus souvent, le résultat est dispendieux en matière budgétaire, mauvais en qualité du service public rendu. C’est vrai pour la gestion de l’eau, par exemple. Et que dire de la privatisation des autoroutes qui a conduit le prix moyen du kilomètre à augmenter deux fois plus vite que l’inflation !

Tout cela pour dire, monsieur le Ministre, que – dans ce qui vous occupe – il n’y a pas de vérité indépassable, seulement des choix politiques.

Et ceux-là, que ce soit le gel de la valeur du point d’indice, les nouvelles suppressions d’emplois, ou le rétablissement du jour de carence, nous les contestons et nous les combattrons.

Pour autant, la CGT n’est pas pour l’immobilisme : elle est favorable aux réformes et à l’adaptabilité du Service public.

La CGT n’est pas pour la défense étroite de prés carrés : au contraire, la CGT estime et affirme que la Fonction publique et le Statut général des fonctionnaires n’ont de pertinence que si on les lie indissociablement aux besoins de la population, aux enjeux de citoyenneté.

Mais, ce dont la CGT a la conviction, c’est qu’il n’y a pas de progrès social, de développement économique pérenne et équilibré, sans une Fonction publique forte et développée.

Pour cela, nous sommes et seront disponibles.

Nous le serons à partir des nombreuses propositions dont nous sommes porteurs, tant sur les élections professionnelles, que sur le dialogue social, sur les conditions de vie et de santé au travail, sur la pénibilité, sur la formation, sur l’égalité professionnelle, pour citer quelques thèmes que vous avez-vous-même mis en avant.

Nous le serons également sur bien d’autres enjeux que nous vous soumettrons dès la rentrée.

La CGT sera donc une interlocutrice franche, exigeante et ambitieuse, parce que, encore une fois, la Fonction publique le vaut bien.